Le plastique, c’est pas fantastique !

Pour ceux pour qui le titre n’évoque rien, c’est-à-dire tous ceux d’entre vous qui ne sont pas des quinquas nostalgiques, en 1991, un groupe nantais déjanté et coquin chantait une ode au préservatif :

En 2019, il faisait amende honorable avec une version revisitée pour la préservation des océans contre le plastique !

Plastique ?  C’est d’abord un joli adjectif qui qualifie les propriétés d’une matière qui se laisse facilement modeler ou mouler, comme l’argile du potier… C’est un terme auquel on fait appel quand on veut se faire refaire le nez : chirurgie plastique…
C’est encore le qualificatif des formes d’arts qui jouent avec formes, lignes ou couleurs : les arts plastiques.
Quand plastique devient un nom, cela peut être un joli nom, comme la silhouette d’une pin-up à la « plastique » sculpturale. Cela peut aussi être explosif  - le plastique des attentats - pas vraiment sympa...
Enfin, on désigne ainsi toutes sortes de matériaux « modernes » (= explosion dès les années 1950) fabriqués industriellement et qui ont en commun la qualité de l’adjectif « plastique » : ils se laissent modeler à loisir, surtout à chaud.

Concrètement, le plastique est un matériau polymère, c’est-à-dire qu’il est principalement formé par de longues molécules synthétisées à partir de produits riches en carbone. Bingo, c’est-à-dire à partir de « notre patrimoine » dilapidé en 2 siècles par notre société accro à l’énergie pas chère = pétrole /  gaz naturel  / charbon. Oui, vous protestez, c’est drôlement cher l’énergie… on en reparlera dans un prochain article, en convoquant votre arrière- arrière-grand-père et votre arrière-petite-fille…

Juste comme ça, vous vous souvenez que pétrole, gaz et charbon sont des «  fossiles »  issus de la décomposition d’organismes marins ou de végétation terrestre accumulés pendant des millions d’années au fond des océans, lacs et lagunes ?

Bref, la formule du plastique, c’est :  polymère + charge + plastifiants + autres additifs.

Génial mais problématique plastique

Bon, c’est là qu’on commence à toucher du doigt les limites de ce matériau incontournable de notre quotidien, qui n’existait quasiment pas avant 1950 (il y a bien le vieux téléphone en bakélite au grenier…).  

@merakist pour unsplash

C’est assez génial le plastique : léger, prend n’importe quelle forme, étanche à l’eau, peut être transparent, résistant au choc…

Sauf que :

  • Il contribue, en tant que dérivé du pétrole / gaz / charbon au maxi dérèglement climatique... On devrait prudemment les laisser dans le sol, là où ils sont : en effet, + 4°C en moyenne à la surface de la Terre en 200 ans, ça n’a rien à voir avec +/- 4°C en 100 000 ans…
  • Il contient des substances pas recommandables, notamment des perturbateurs endocriniens (phtalates, chrome…). Globalement, on ne comprend pas encore super bien comment fonctionne notre corps, mais on sait que tout est réglé par un système de commande hyper sophistiqué basé sur les hormones et que des quantités infimes d’hormones modifient tout le système !

Bon, me direz-vous, mais on trie, on recycle…

Heu, bof !

D’abord on le fait mal ou peu, notamment parce que c’est compliqué. Et puis surtout :

  • parmi les plastiques, seuls les plastiques « creux » (bouteilles) sont à peu près facilement et économiquement recyclables ;
  • mais, quand on les recycle, on les fond à forte température, donc ils perdent leurs qualités (transparence, souplesse…), donc…
    • soit on les rajoute en quantité faible à un matériau neuf (bouteille donne bouteille), donc on produit toujours du neuf ;
    • soit on produit autre chose de moindre qualité et moins recyclable : sweatshirt, moquette, stylo ; et en conséquence, on stoppe le cycle « vertueux » de recyclage.

Ensuite, tous les plastiques ne sont pas recyclables, et certains sont toxiques, donc, en gros 80 % du temps ils finissent à la poubelle = incinération (= de l’énergie + la justement mal-aimée dioxine) ou décharge dans un pays ami moins riche que nous. Ou encore direct dans la nature !

Là, ça se corse encore, car en gros, on a de la chance, ils ne sont pas radioactifs, mais ce sont de vraies saloperies :

  • ils mettent entre 3 et 1 000 ans à se laisser dégrader par le soleil, la pluie, les micro-organismes… Entre temps, ils peuvent former un 7e continent au milieu du Pacifique ou asphyxier une jolie tortue marine…
  • ils se dégradent en micro puis nano-particules (on a tous vécu l’expérience d’attraper un vieux sac plastique à la cave, qui se désagrège devant nous, c’est la même idée…) qui envahissent littéralement notre environnement. On en retrouve partout : dans les nappes, dans les estomacs des êtres vivants (dont les nôtres), dans les océans, bien sûrs.


7e continent : immenses vortex de déchets et micro-déchets se concentrant, en raison des courants, dans des zones particulières des océans.
Dans le nord de l’océan Pacifique, la zone fait six fois la surface de la France métropolitaine sur 30 m de hauteur.

Bref, ce serait génial si les promesses de recyclage du plastique se réalisaient…

Les anglo-saxons ont un jeu de mots bien à eux, assez évocateur.

« Plastic is more wishcycle
than recycle »
 

= le plastique c’est plus « j’aimerais bien que ce soit recyclable »
plutôt que vraiment recyclable….

Ils parlent aussi de downcycle, pour faire comprendre que l’économie circulaire est un mirage : dès qu’on transforme un produit en un autre produit (exemple la bouteille en pull), c’est fini. Contrairement au recyclage du verre ou du métal, qui n’est jamais parfait mais bien plus performant et réel : il y a aussi des dégradations, il faut accepter du verre de + en + foncé, et cela consomme pas mal d’énergie !

@marc-newberry pour unsplash

En résumé, on est actuellement quasi-coincé dans un système dévastateur.

Les producteurs se déchargent de leur responsabilité sur le consommateur (il trie mal…), tandis que les filières et processus de tri sont inefficaces et non rentables et que les pouvoirs publics hésitent entre limiter un désastre écologique et fragiliser ce qui reste de notre industrie.

Et dans ce contexte pas folichon, en tant que consommateur ou professionnel, nos options alternatives aux plastiques sont peu nombreuses, souvent chères, toujours contraignantes…

Les 3 R, les 7 C

Bon, alors, que faut-il faire ?

D’après la fondation WWF : « près de la moitié du plastique est utilisé pour créer des produits jetables dont la durée de vie est inférieure à trois ans ». C’est là-dessus qu’il faut se concentrer.

Ok, les pouvoirs publics interdisent les sacs plastiques jetables, les couverts de pique-nique en plastique, etc.

Mais c’est à nous d’utiliser le trio gagnant réduire, réutiliser, recycler (valable pour tous les déchets…).

A appliquer sans modération !

>>>3 Choses concrètes à faire en tant que citoyen :

  • refuser les sacs plastiques (même en « bioplastique, c’est du bidon…) ! avoir toujours sur soi un sac réutilisable, idéalement en tissu…
  • arrêter totalement d’acheter des boissons en contenant plastique (jus d’orange, eau, soda…) ; n’acheter que dans des bouteilles en verre, le dire, le crier sur tous les toits (réseaux sociaux, à la caisse du mini-market…) et réclamer le retour de la bonne vieille consigne ;
  • réduire progressivement, puis drastiquement, quand l’habitude est prise, l’achat de produits alimentaires en barquette ou pot plastique (typiquement le yaourt …). Visitez les magasins de vrac, les marchés, emportez une boite si vous pensez passer chez un traiteur lors de vos courses, fabriquez vos yaourts…

>>>4 Choses à faire en + en tant qu’entreprenant·e :

  • aller visiter avec amis, clients et/ou collaborateurs l’usine de tri de votre région, pour bien comprendre le problème ; posez des questions, renseignez-vous, faites-vous votre propre idée ; c’est super instructif !
  • investir dans des contenants réutilisables et/ou recyclables adaptés à votre activité, en verre, métal, tissu (lin de préférence), papier, carton… ou même feuille (vous vous souvenez des feuilles de bananiers lors de votre lointain voyage en Inde ?). En plus ça plaira à vos clients…
  • parler du sujet dans vos clubs pros, avec les élus locaux, demander des solutions, les proposer, les soutenir (consignes, filière de récup, alternatives…)
  • et enfin et surtout, considérez l’idée de faire de ce problème majeur un business : nous avons besoin de personnes qui s’impliquent, qui inventent, qui innovent, qui révolutionnent chaque domaine pour nous libérer de l’addiction au plastique.
    Les opportunités sont énormes, le marché local est encore très ouvert et le public commence à être vraiment sensibilisé. Investissez les domaines de l’écoconception, du recyclage de proximité, le coaching pour les pros, les systèmes de consigne, l’organisation de festivité zéro déchets, etc…

Affichons ensemble, non de fausses promesses, mais un vrai objectif « engagé consciemment vers le zéro plastique ! ». Au plaisir de vous lire (et d’écrire pour vous)

Pascale & Christine

Pour en savoir plus :

  • association WWF (campagne plastique)
  • association Zéro Waste
  • association Surf Rider
  • mini vidéo inspirante sur le recyclage des pots de yaourt…
  • Cash investigation : plastique la grande intox (2h13 et agressivité journalistique qui me gène toujours un peu, mais bon…) – 12 sept. 2018
  • Last Week Tonight (chronique américaine décalée en anglais, par John Oliver (HBO)) : plastics – 22 mars 2021

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3 réflexions au sujet de “Le plastique, c’est pas fantastique !”

  1. Merci Pas et Xris pour cet article très intéressant. Je deviens accro à votre blog !
    Valérie.

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